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Music Europe Day

ETIENNE DAHO : L’INTERVIEW

“Être en accord avec moi-même”

Fan éternel, Etienne Daho a souvent été passeur de chansons et ambassadeur de jeunes groupes, dont il s’est toujours senti proche. Il a accepté, pour le plaisir de découvrir encore et toujours de la musique, d’être le parrain de ce vaste Music Europe Day.

Interview – JD Beauvallet

 

Quand as-tu commencé à écouter de la musique qui n’était pas française ?

J’ai commencé très jeune, en dévorant les albums de mes parents. Ils écoutaient Frank Sinatra, Elvis Presley, Dionne Warwick, les Beach Boys… Nous vivions au dessus d’un bar-restaurant, où nous avions un jukebox. Quand ils changeaient les vieux 45t, ils me les donnaient. J’avais donc une solide collection de singles anglais et américains, de la pop, de la soul et du rock.

Quel est le premier disque que tu as acheté avec ton argent de poche ?

Ça devait être un single, Waterloo Sunset des Kinks. Un peu plus tard, jeune adolescent de 13 ans, je suis allé dans un magasin de disques et j’ai entendu The Piper et the Gate of Dawn de Pink Floyd. Je suis tombé amoureux de ce disque et comme il était cher, j’ai dû économiser un petit moment avant de me l’offrir.

La musique t’a donné ton goût de l’anglais ?

Je voulais vraiment comprendre ce que disaient Lou Reed, Syd Barrett, Leonard Cohen et tous ces artistes que j’adorais. Ça comptait beaucoup, c’est ce qui m’a fait venir à l’anglais.

Quand es-tu parti pour la première fois en Angleterre ?

La première fois, je devais avoir 15 ans. Je cherchais un petit boulot d’été pour me payer des disques. J’ai donc envoyé plein de lettres de motivation en Angleterre. La seule réponse que j’ai obtenue venait d’un hôtel de Manchester. J’avais menti sur mon âge mais ils m’ont quand même gardé. La directrice du personnel était une femme énorme, qui m’avait à la bonne : ça m’a aidé. C’était une vraie  aventure pour moi, une ouverture aussi. C’était juste avant l’explosion punk et tout le monde écoutait du reggae. Ça ne m’intéressait pas vraiment, à part des artistes des années 60 comme Derrick Harriott , Prince Buster, Desmond Dekker ou Jackie Mittoo… C’était une période passionnante. 

T’intéressais-tu aussi à la scène européenne ?

Pas vraiment. Les rares que j’aimais étaient  principalement des groupes allemands comme Can ou Kraftwek. Pendant un moment, je me suis aussi passionné pour la pop belge et des groupes comme Antena, Télex ou Polyphonic Size. 

Tu t’est construit sur la musique ?

Oh oui ! Bien évidemment grâce aux Anglais. J’ai bâti mon imaginaire sur les disques et leurs pochettes. Elles me faisaient fantasmer.

Où as-tu vécu en Europe ?

J’ai vécu quelques années à Ibiza, presque quinze ans à Londres et aussi à Rome, Lisbonne ou Barcelone… Je suis né en Algérie et j’ai dû voyager très jeune. J’ai été forcé à m’adapter à un nouveau pays. Je me sens donc comme un citoyen du monde. Excepté l’Asie : je ne sais pas pourquoi mais je ne m’y sens pas à l’aise. D’habitude, je me sens pourtant chez moi où que je sois. Pas seulement en Europe : je vois plus large que ça.

Quelle est ta vision de l’Europe ?

C’est intéressant, surtout aujourd’hui. C’est une belle idée, mais il a suffi de la crise du Covid-19 pour tester les limites de la solidarité. Le seul lien désormais semble économique et je trouve ça triste. Je ne sens plus le liant, la fraternité. C’est décevant.

Depuis tes débuts, tu es un infatigable passeur de nouveaux sons, de nouveaux noms…

C’est un truc tout à fait normal pour moi. Adolescent, j’enregistrais déjà des compilations pour mes amis, je leur prêtais mes albums. C’est la même chose aujourd’hui : je continue de partager mais ma voix a plus de résonance. Je tire une vraie satisfaction, une fierté de rencontres avec des gens qui me disent avoir découvert tel ou tel groupe grâce à moi. J’aime partager. Ça fait partie de mon boulot.

Tu te sens comment dans le rôle de « parrain » de ce Music Europe Day ?

Je suis très honoré qu’ils aient pensé à moi. Je me sens toujours très jeune dans ma tête, je ne ressens donc aucune différence entre ces jeunes groupes et moi. Je me sens même très proche d’eux… Je suis curieux de nature. Depuis toujours, ça fait partie de ma personnalité. J’écoute avec passion beaucoup de musique, c’est de la boulimie. J’ai cette chance : la certitude que si un groupe ou un disque doit me plaire, alors il trouvera le moyen de se faufiler jusqu’à moi ! Je ne sais pas l’expliquer mais ça arrive systématiquement.

Comment vis-tu le confinement ?

Ça ne me dérange pas. Personnellement, j’avais besoin de cette coupure, de me reposer pour préparer les chapitres à venir. C’est si compliqué d’être en permanence sur la brèche, ce confinement nous oblige à reconsidérer ce que nous sommes devenus, esclaves de l’urgence incontrôlée de la globalisation. Nous avions besoin de cet électrochoc pour mesurer la stupidité et la folie de nos existences. Je pense donc que c’est positif. J’espère vraiment que les gens ne reprendront pas leur vie de dingues une fois sortis de la crise, qu’ils se poseront des questions sur leurs choix de vie.

Quelles seraient ces leçons ?

Je ne suis pas certain. Mais je reste optimiste. J’espère que la jeunesse va se rebeller contre le vieux monde et créera de nouvelles frontières, de nouvelles solidarités. C’est leur boulot. C’est notre boulot, de toute façon. Les jeunes incarnent le futur, j’espère qu’ils le mesurent. Ce virus n’est pas sorti de nulle part, il y a une raison, nous devons retenir le leçon, nous en avons l’opportunité.

Qu’est-ce qui te rend heureux ?

Vaste question ! Être sur scène me rend heureux. J’aime mettre le point final à un album ou à une chanson dont je suis fier. Mais plus que tout, ce qui me rend heureux, c’est d’être en accord avec moi-même.

 

 Music Europe Day c’est un live exceptionnel avec 30 artistes de 30 pays !
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